DE LA FOURCHE À LA FOURCHETTE
DE LA FOURCHE À LA FOURCHETTE
Désormais, le bio et l'éthique ont leur grande surface… Biocoop , fusion de « Biologique » et « Coopérative », c'est un réseau de magasins alternatifs proposant des produits issus de l'agriculture biologique et du commerce équitable . Des supermarchés militants, en somme, qui permettent de consommer autrement… pour le bénéfice de tous ! Claude GRUFFAT , PDG de l'enseigne, nous raconte la success story de ce commerce pas comme les autres.
Comment devient-on leader français de la distribution alimentaire biologique ?
Biocoop c'est d'abord un mouvement, né d'une action de consommateurs, au début des années 1970. Comme ils ne trouvaient pas de produits bio sur le marché, ils se sont regroupés pour en acheter directement auprès des producteurs. En 2002, l'association est devenue une coopérative. Aujourd'hui, nous avons 300 magasins, plus de 2800 salariés et chaque semaine, un nouveau biocoop ouvre ses portes. Il ne s'agit pas d'un système de franchise car nous tenons à conserver la diversité historique de nos points de vente qui se développent maintenant grâce à l'investissement de capitaux familiaux. Nous cultivons cette différence, fait plutôt rare dans le domaine de la distribution. En 2006, la section agricole intègre la coopérative Biocoop. Nous réunissons ainsi des intérêts aussi divergents que ceux des distributeurs et des producteurs dans la même entité économique. En fait, ce qui a permis de fédérer ce petit monde, c'est un projet commun qui se résume en deux points : d'abord, développer en France une agriculture biologique paysanne de proximité. Ensuite, favoriser l'accessibilité du consommateur aux produits bio par le biais de magasins proches des gens qui pratiquent des prix non spéculatifs et justes à la fois pour le producteur et pour le consommateur . Et cette recette fonctionne plutôt bien !
Une entreprise « militante » qui ne connaît pas la crise ?
C'est vrai que, malgré le contexte de marasme économique, pour nous, tous les indicateurs sont au vert. Passé de 250 millions d'euros en 2006 à près de 400 millions en 2008, notre chiffre d'affaire continue à progresser. En termes de fréquentation, nous avons enregistré une hausse de 25% par an en moyenne depuis 3 ans. Avec la conjoncture, on s'attendait à une forte baisse. Elle n'est pour l'instant que de 5%.
Notre fréquentation continue d'augmenter (+ 20%), même si les produits bio restent légèrement plus chers que les conventionnels.
A mon avis, la crise a permis d'amplifier un bruit de fond qui peinait jusqu'alors à se faire entendre. Les gens, soucieux de faire des économies, se mettent à penser leurs achats et prennent peu à peu conscience du piège de « l'hyperconsommation » avec toutes ses pubs, ses soi-disant promos qui, loin de vous faire gagner de l'argent, vous incitent à acheter toujours plus. Parcourir les allées d'un grand magasin, c'est le plus sûr moyen de ressortir les bras chargés de produits superflus qu'on avait pas prévu d'acheter. Fatigués par ces stratagèmes marketing qui pèsent au final fortement sur le budget des ménages, les consommateurs préfèrent limiter la quantité de leurs achats et commencent à miser sur la qualité en fréquentant des commerces plus authentiques en adéquation avec leurs besoins réels.
Je crois aussi que nous sommes en phase avec les préoccupations de la société civile qui ont largement émergé à l'occasion du Grenelle . Il y a désormais chez le consommateur une vraie volonté de redistribuer la richesse sur l'ensemble de la filière et d'une relocalisation de l'économie avec des produits régionaux et un service de proximité. Un souci écologique mais aussi éthique, qui grandit peu à peu. Et nos magasins, qui incarnent une nouvelle génération de commerces déontologiques, permettent précisément de répondre à ces exigences inhabituelles.
Le WWF vient de lancer la campagne « oui au bio dans ma cantine ».
Qu'est ce que cela vous inspire ?
C'est une excellente initiative que je soutiens, bien évidemment ! D'abord parce que c'est à la cantine que nos enfants mangent le plus mal. Dans l'intérêt de leur santé, il faut remédier à ça de toute urgence. Ensuite, parce que l'école, c'est le lieu d'apprentissage par excellence. C'est là qu'on acquiert les bons réflexes, comme celui de s'alimenter sainement, par exemple. Instaurer des repas bio dans les cantines, c'est tout à la fois un symbole et un besoin prioritaire au profit de nos enfants et de notre planète. D'autant que ce projet est à notre portée. Certaines municipalités ont déjà tenté l'expérience, à l'image de Rome, dont toutes les cantines, de la maternelle à l'université, sont passées au bio ! Plus proche de nous, à Barjac dans le Gard ou à Langouët en Ille-et-Vilaine, des maires ont fait le pari de la bio et s'en portent bien ! Les retours sont même plus que positifs. Lorsqu'on leur sert des repas de qualité, à base de produits bio, les enfants finissent leurs assiettes. Moins de carences, moins de gâchis et au final, plus d'énergie ! Avec des menus variés et de qualité, ils prennent conscience de la saisonnalité des produits tout en faisant le plein de légumes et de fruits.
Donc, non seulement nous saluons l'initiative du WWF mais nous comptons bien nous associer au projet, en relayant la campagne d'information mais aussi en proposant nos services aux cantines.
Avec près de 6500 produits alimentaires référencés sur notre catalogue, nous avons les ressources nécessaires pour compléter l'offre régionale des municipalités et combler ainsi les lacunes de la production car comme chacun sait, aujourd'hui en France, la Surface Agricole Biologique, encore insuffisante, ne permet pas de satisfaire tous nos besoins. Nos maires sont des acteurs incontournables de la cohérence locale. Reste à les convaincre que la conversion au bio c'est non seulement possible mais surtout indispensable !